Le 4 janvier dernier, lors de ses vœux adressées aux autorités religieuses, Emmanuel Macron a fait part de son intention de participer à la «structuration» de l’Islam de France pour éviter, disait-il, la division et la crise internationale que cette religion subirait.
Pourtant, force est de constater que les autorités françaises ne sont pas à leur coup d’essai en matière de tentatives d’organiser le culte musulman.
Avant d’être un enjeu national, la gestion de l’Islam a été pour la France, un enjeu colonial.
La conquête par la force du territoire algérien par l’empire français au début du XIXème siècle s’est accompagnée d’une tentative réussie, il faut l’admettre, de mettre la main sur l’Islam made in Algeria.
Même l’adoption de la loi du 9 novembre 1905, portant séparation du culte et de l’Etat, dite loi de laïcité, n’y pourra rien, les cultes en Algérie, et spécifiquement l’Islam, resteront sous contrôle administratif français jusqu’à l’indépendance.
Sur le territoire métropolitain, il semble également que la gestion du culte musulman soit un casse-tête pour les autorités.
Si jusque dans les années 90, la Grande Mosquée de Paris était l’interlocuteur tout trouvé des autorités publiques lorsqu’il s’agissait de parler du culte musulman, la diversification des associations musulmanes a poussé l’Etat à élargir le spectre des possibles «représentants de l’Islam».
C’est à Pierre Joxe, alors membre du gouvernement socialiste, que l’on doit la première tentative métropolitaine d’organiser le culte musulman avec la création du Conseil de réflexion sur l’Islam de France (Corif).
Le retour relatif au pouvoir de la droite, lors de la cohabitation (1993-1995) gèle quelque peu cette initiative puisqu’elle remet au cœur des relations stato-cultuelles la Grande Mosquée de Paris.
Il faudra attendre une autre cohabitation sous la présidence de Jacques Chirac, favorable cette fois-ci à la gauche, pour que Jean-Pierre Chevènement relance le processus en instaurant l’«ishtichara», vaste consultation lancée à la fin des années 90.
Ce n’est qu’en 2003 que les pourparlers aboutiront avec la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.
Serait-ce à dire que, depuis la création du CFCM, l’organisation du culte musulman n’a plus été considérée comme un objet central d’action publique? Rien n’est moins sûr. Car depuis sa création, le CFCM essuie de vives critiques.
Certaines concernent son efficacité, d’autres, renvoient aux tensions internes (entre fédérations) qui le traversent.
Face à ces interrogations (sur la question de son financement notamment), la présidence Hollande a été l’occasion d’exhumer la Fondation des œuvres de l’Islam créée en 2005 sous Dominique De-Villepin, en la rebaptisant pour l’occasion: “Fondation de l’Islam de France”.
Pour la diriger, le président socialiste de l’époque fit appel à une figure historique de l’organisation du culte musulman, Jean-Pierre Chevènement.
Placé à la tête de la FIF, malgré les contestations que la nomination d’un non-musulman suscita, ce choix des autorités publiques a été l’occasion de (ré-)interroger la légitimité de l’Etat dans la désignation des acteurs de l’islam de France.
En outre, une enquête réalisée en 2016 par l’Institut Montaigne, établit que deux tiers des musulmans de l’Hexagone ignorent jusqu’à l’existence du CFCM, pourtant censé les représenter !
C’est l’auteur de ce rapport, Hakim El Karoui qui, d’après le Journal Du Dimanche est l’un des proches conseillers d’Emmanuel Macron dans ce nouveau chantier de l’Islam de France.
La question du financement des lieux de culte, de la formation des imams ou encore de l’influence des pays d’origine est, sans surprise, au cœur de cette nouvelle initiative.
Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron semble vouloir aller vite puisqu’une réforme est prévue ce semestre.
Il sera entouré pour cela de Gérard Darmanin, actuel ministre des Comptes publics et au cœur d’un scandale pour viol, qui avait plaidé pour «un islam français» ou bien encore de Gilles Kepel, expert arabisant, sollicité par plusieurs gouvernements, ouvertement hostile à la prise en compte d’enjeux, pourtant chers aux musulmans de France, comme l’islamophobie.
Malheureusement, dans l’organisation du culte musulman français, il semblerait qu’au gré des alternances politiques, chaque gouvernement tente de (re)structurer l’Islam de France en utilisant paradoxalement les mêmes recettes et maîtres d’œuvre que son prédécesseur.
Presque 30 ans après les premières tentatives d’organiser l’Islam, pas sûrs que les musulman-e-s Français se sentent davantage représentés par cette nouvelle instance que celles qui lui ont ouvert la marche.
By: Lassaad Ben Ahmed
Source: AA
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