Selon le magazine Marianne, édition du 4 juillet, les citoyens turcs auraient accepté les résultats des élections par « peur et résignation ». Qu’en est-il vraiment ? Nous avons checké pour vous.
D’après Marianne, après les résultats des élections, « l’opposition ne fait pas de vagues et la peur semble l’emporter chez les contestataires ». Pour appuyer ses thèses, elle s’étonne de la rapidité avec laquelle des affiches de remerciement ont été placardées dans les rues d’Istanbul. Et ce que regrette le plus l’auteur de l’article, c’est « qu’aucune manifestation n’ait éclaté à la proclamation des résultats ». Le journaliste poursuit que le candidat de l’opposition « a reconnu sa défaite tout en dénonçant des fraudes sans contester les résultats ».
Comme d’habitude, des témoignages de personnes opposées idéologiquement au président réélu sont rapportés pour soutenir cette situation de peur.
De plus, l’état d’urgence serait également responsable de cette défaite de l’opposition. Pourtant, la situation sur place est très différente de l’image d’une société qui a peur.
Pour rappel, il ne faut pas oublier que la France aussi avait organisé des élections sous l’état d’urgence, sans que les résultats aient été contestés. Dans ce cas, on ne peut contester les résultats en Turquie sous ce prétexte.
Par ailleurs, la Turquie est un pays qui a réussi à organiser, en moins de deux mois, des élections législatives et présidentielles avec la possibilité, pour tous les partis, de faire campagne librement. Le journaliste semble ignorer que les Turcs travaillent beaucoup (55h/semaine de moyenne) mais surtout très vite. Il n’est pas anormal que des affiches soient placardées partout dans un laps de temps assez court. Chercher des mystères dans ce domaine relève de la mauvaise foi.
Pour en revenir aux élections, prétendre que les citoyens ont peur est tout simplement une insulte faite aux électeurs de l’opposition. Lors du référendum, le Haut Conseil avait pris des décisions polémiques, le score ayant été très serré. Et l’opposition avait porté l’affaire en justice, des voix s’étant élevées.
Qu’est-ce qui a changé entre-temps pour que l’opposition soit réduite au silence ? Rien du tout ! A part que, lors de sa conférence de presse, dès le lendemain, ainsi que lors de plusieurs interviews accordées aux médias turcs, le principal challenger, Muharrem Ince, a proclamé : « Les procès-verbaux recueillis par notre parti et ceux du Haut Conseil sont identiques et aucune décision polémique n’a été prise, il y a un écart très important, il n’y a rien à contester, même si des petites fraudes ont pu avoir lieu ».
Il a également précisé que « la démocratie n’était pas d’appeler à descendre dans les rues, si on n’est pas content des résultats ».
Muharrem Ince n’est pas connu pour être un » peureux » ; il n’a pas sa langue en poche. Il a d’ailleurs par la suite traité de « schizophrènes« , « malades mentaux » et » qui ne rendent pas service au partis, ceux qui prétendaient qu’il avait été kidnappé le soir de la proclamation des résultats et qui criaient à la fraude« .
Pourtant, à plusieurs reprises, dans une série de tweets, il a essayé de rétablir la vérité en vain.
Conférence de Presse de Muharrem Ince, le 25 juin 2018 à 12h00.
Il a ensuite critiqué les occidentaux qui, à ses yeux, « s’ingéraient dans les affaires internes de la Turquie« .
Le candidat de l’opposition (CHP) s’est également incliné devant la victoire d’Erdogan et a déclaré :
« Nous n’acceptons pas vos leçons de morale sur la démocratie. Nous prendrons nos propres décisions, notre pays ne peut pas être divisé. »
De plus, il a appelé son rival pour le féliciter et a appelé ses partisans à « continuer la bataille pour les prochaines échéances ».
Les médias ont tenté de manipuler l’opinion.
Pour comprendre la réaction des médias français, il faut juste rappeler que ces derniers, se basant sur des sondages, prédisaient un deuxième tour. Ils parlaient même « d’une fin de campagne difficile pour Erdogan » ou encore « de la veille du scrutin, tout reste possible », « crise de doutes pour Erdogan » et se demandaient si « Erdogan pouvait être renversé ? ».
En fait, pourquoi les sondages prévoyaient-ils un deuxième tour ?
En réalité, seules quelques sociétés de sondage affirmaient qu’Erdogan n’allait pas gagner dès le premier tour. Parmi ces sociétés, les résultats des instituts Sonar et Gezici étaient essentiellement repris. Or, ces deux entreprises sont très proches de l’opposition et n’hésitent pas à venir sur les plateaux télé commenter subjectivement contre le pouvoir en place.
Pourtant, le soir des élections, un aveu terrible a été diffusé sur une chaine turque qu’aucun média français n’a relayé : le PDG de la société Sonar, Hakan Bardakci, a avoué en direct que :
« Je savais qu’Erdogan allait gagner dès le premier tour, … Si j’avais publié les vrais résultats des sondages, les membres du Parti Républicain (CHP) m’auraient crucifié ».
Les médias de tous bord qui se basaient sur ses déclarations étaient donc complètement mal-orientés.
Pour conclure, il est bon de rappeler qu’en Turquie, lors de chaque élection, le taux de participation dépasse largement celui des pays européens et que les scores sont souvent très serrés. Dans un climat de peur, comment pourrait-on atteindre les 87% de participation ? En France, il était seulement de 77,3% au premier tour. Pire encore, lors des législatives de 2017, la France avait connu son taux historique le plus bas en ne dépassant même pas les 50% : seulement 48.71% des citoyens s’étaient déplacés !
Alors que les opposants les plus virulents ont accepté leur défaite en Turquie, en France, il est étonnant de voir les médias « être plus royalistes que le roi ».
Source medyaturk.info
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